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« Évian sauvé, la baie de Somme polluée »

© PHILIPPE DESCHAMPS

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Je n'en peux plus d'entendre ces critiques contre le projet 1 000 vaches par des gens qui ne connaissent rien à l'élevage. Passe encore qu'ils s'inquiètent des conditions d'élevage. Ils ne visitent plus de fermes depuis longtemps. Mais de là à nous accuser de polluer la baie de Somme à cause du digestat… À Évian, “petit village” réputé pour la qualité de son eau, on s'inquiète, on se préoccupe, on anticipe l'évolution de la qualité de la fertilisation pour éviter toute dégradation de celle des eaux. Après quelque temps de réflexion, la solution intelligente apparaît : regrouper les effluents des élevages environnants (30 000 t), les digérer dans un méthaniseur et les épandre (3 100 ha). Le digestat semble mieux convenir au suivi des cultures… Et que dire du nouveau plan “Énergie méthanisation autonomie azotée” de notre ministre de l'Agriculture, avec lequel la méthanisation devient une source intelligente de fertilisants.

Moi, dans la Somme, je suis accusé, en allant exactement dans cette voie, d'être le destructeur de la nature, le tueur d'environnement. Et que dire des menaces à notre encontre ? Je discutais récemment de l'avancement de notre projet avec le responsable de la station météorologique d'Abbeville, à côté de laquelle nous allons implanter nos bâtiments. Il est concerné par notre permis de construire puisque nos bâtiments ne doivent pas dépasser une certaine hauteur pour ne pas faire d'ombre au radar de la station. Une tierce personne d'un âge certain, dont je tairai le nom, qui passe tous les jours prendre la tendance météo, assistait à la discussion. Après dix minutes d'échange, elle se lève et m'annonce : « Je vais vous laisser construire vos bâtiments puis utiliser la technique corse de lutte contre les étrangers : cinq bouteilles de gaz et boum ! Je ne tolérerai pas que vous détruisiez la nature dans mon voisinage, tout ça pour quelques emplois et faire gagner de l'argent au patron. Je me fous des quinze emplois sur cette ferme. On a qu'à leur donner des indemnités de chômage, on a déjà cinq millions de chômeurs. Et puis, de toute façon, vous allez produire de la merde. »

Tous les jours, autour de nous, de nouveaux producteurs parlent de cessations laitières. Même si les centres de gestion s'acharnent à démontrer que cesser le lait pour faire des céréales ne garantit pas une amélioration financière, personne ne s'inquiète du faible revenu par heure de travail pour les éleveurs. Il faut que ces braves producteurs restent de bons petits soldats. Qu'ils continuent de travailler dur tous les jours, puisque des tas de demandeurs d'emplois les envient. Qu'ils ne se plaignent pas puisqu'ils ont au moins de quoi manger gratuitement, contrairement à ceux qui doivent aller au supermarché. Et en plus, ils ne sont jamais pris dans les bouchons pour les départs en vacances, vu qu'ils vivent toute l'année sur les lieux de villégiatures des citadins.

Alors, de grâce, vous, les producteurs de lait, cessez au moins d'avoir des projets de développement afin de conserver le rêve rural de nos concitoyens. Ces derniers revendiquent, au nom des impôts payés et dirigés vers les primes Pac, le droit de nous imposer nos modes de vie, d'édicter nos règles de travail et de maîtriser nos revenus en luttant contre la vie chère dans les grandes surfaces… Je croyais naïvement que 1789 avait mis fin à l'esclavage des paysans.

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